Prendre sa place

Pour que vous puisiez comprendre comment se déroule une séance de mythes en conscience j'ai retranscrit celle que j'ai eu dernièrement avec Sylvie. Vous verrez ainsi comment je travaille avec les mythes et ce qu'ils peuvent apporter :

 

En même temps qu’elle travaillait auprès de personnes en difficultés, Sylvie avait suivi de multiples  formations afin de devenir thérapeute. La pratique de l’accompagnement qu’elle avait développé pendant ses années de salariat, l’écoute, l’empathie, l’intelligence relationnelle dont elle faisait preuve, la réussite à l’examen final de sa formation principale et les félicitations du jury, rendaient évident qu’elle serait une très bonne thérapeute.

 

Je l’avais suivie tout au long de ce difficile travail et elle avait commencé à recevoir des patients à temps partiel. Dans la nouvelle maison qu’elle avait fait construire il y avait maintenant une pièce réservée à ses consultations et sa clientèle ne cessait d’augmenter. A tel point que vint le moment où elle pouvait commencer à envisager de cesser son activité salariée et de s’adonner totalement à sa passion.

Bien que tous les indicateurs fussent positifs, la peur de ne pas réussir, de ne pas mériter la réussite, de faire le mauvais choix, la peur devant tous les obstacles administratifs qui ne manqueraient pas de se dresser devant elle la ralentissait. Elle revint vers moi pour faire le point et trouver l’énergie qui pourrait la propulser dans cette nouvelle vie.

 

Le premier mythe qui vint à elle fut celui du Cheval de Troie :

Le Cheval de Troie intervient dans la dernière partie de l’Iliade, un récit traditionnel de la Grèce antique. Il met en scène les armées grecques et troyennes mais aussi la Belle Hélène, la plus belle femme du monde de son temps, pour qui la guerre de Troie a été déclarée.

Le Cheval de Troie est le premier mythe tiré par Sylvie, c’est un constat. Elle en est à ce moment-là de son histoire : elle va, elle doit récupérer Hélène (la part humaine et divine de Sylvie dont elle a besoin pour réaliser son objectif).

Alors qu’Hélène était mariée à un vieil homme, spartiate qui plus est -la dureté des spartiates est légendaire - elle se retrouve dans les bras d’un beau et jeune prince… Elle avait quitté la dure réalité du monde des hommes (la terre, le monde matériel, le concret) et vivait dans un monde idéal (le ciel - pour Sylvie le confort de la vie de salariée).

 

On comprend qu’Hélène puisse avoir quelques réticences à rentrer à la maison, tout comme Sylvie à monter son entreprise…

 

Mais Hélène est une demi-déesse c’est-à-dire qu’elle est habitée à la fois par les énergies du ciel et celles de la terre.  Son père n’est autre que Zeus lui-même et sa mère Léda est une mortelle. Hélène/ Sylvie va affronter la même difficulté qu’Adam et Eve chassés du Paradis : elle va s’incarner (devenir ce qu’elle est, apporter au monde sa propre lumière), ce que la Bible traduit par « vivre à la sueur de leur front » (les responsabilités de l’auto-entreprise !). Mais du travail et de l’opiniâtreté d’Adam et Eve – et de Sylvie - sur cette nouvelle terre (ce nouvel environnement) va découler tout le monde des hommes (une entreprise florissante) …  la perspective est grandiose…

 

Pour que cette incarnation, cette mission de vie de Sylvie se réalise, la totalité de sa part humaine (sa présence ici et maintenant) est au milieu des hommes ainsi que sa part divine féminine (la belle Hélène) à laquelle il est nécessaire de se reconnecter (la récupérer).

 

Je demande à Sylvie de qualifier sa part divine féminine, elle me répond : l’intuition, l’harmonie, la beauté, l’amour, la compassion, la grâce, et surtout la connexion à la Source.

 

Pour Sylvie maintenant il suffit de commencer à monter sur le cheval (commencer les démarches administratives nécessaires). Sur le cheval et non pas dans le cheval, elle prend le parti de ne pas se cacher, d’y aller à visage découvert, avec dignité et confiance et, justement une échelle est là pour l’aider …

La belle Hélène avait épousé Ménélas, le roi de Sparte. Elle est enlevée par Pâris, jeune prince de Troie. Ménélas appelle à lui tous les rois des alentours et ils partent assiéger de la ville.

 

Le siège de Troie dure dix ans au bout desquels la déesse Athéna inspire à Ulysse la ruse du « cheval de Troie ». Les grecs construisent un grand cheval en bois, creux à l’intérieur. Les meilleurs guerriers s’y dissimulent tandis que les armées se retirent. Etant avertis qu’il s’agit d’un cadeau pour Athéna, et malgré les réticences d’une partie des Troyens, le cheval est tiré à l’intérieur de la ville. La nuit venue, les grecs se glissent hors du cheval, ouvrent les portes de la ville, les armées grecques y pénètrent, mettent la ville à feu et à sang et récupèrent Hélène.

 

L’image que je proposais d’observer à Sylvie était une enluminure du moyen-âge. Au premier plan, à côté d’un mur en ruine se trouve le cheval sur le côté duquel une échelle est posée. On aperçoit trois hommes entièrement verts à l’intérieur. Au second plan un groupe d’hommes armés, verts eux aussi, puis des constructions, une sorte de château, une petite étendue d’eau et enfin, en arrière-plan, un mur sombre à moitié démoli donne la vue sur un pont en flammes. Cette scène de guerre inquiète en général : les soldats, le feu, les ruines, elle signe un conflit intérieur puissant ... mais pas pour Sylvie.  Le flou intentionnel donné à l’image permet toutes les interprétations.

 

Elle voit bien le cheval mais pour elle c’est un beau tapis qui se trouve sur ses flancs. Il est paisible. Elle me dit avoir envie de monter sur lui et l’échelle lui ôte toute appréhension. Au fond, elle voit un grand soleil dans l’ouverture. Il ne lui reste plus qu’à traverser l’eau, justement, elle aperçoit une barque. Tout va bien se passer, elle est sereine.

 

Bien que j’essaie de la pousser dans ses retranchements – elle pourrait refuser de voir en elle une inquiétude profonde – elle reste fermement assurée : les obstacles sont minimes, des aides facilitent la progression (l’échelle, la barque, le mur du fond ouvert). L’état des lieux est donc plutôt positif, Sylvie voit l’épreuve avec confiance. L’angle de vue et l’état intérieur définissent l’ampleur de l’épreuve. Elle saura tirer parti de toutes les opportunités. Il y a à faire, mais tout est sous contrôle. 


Voyons la suite.

Sylvie tire une image représentant Ulysse et les sirènes.  

 

La guerre de Troie et finie. Ulysse est de retour vers sa chère île d’Ithaque dont il est le roi, et vers Pénélope, sa femme.

Sur l’image, un homme est attaché au mat d’un navire. Ses yeux sont écarquillés tandis que les marins rament sans stress et que de belles sirènes tentent de monter sur le bateau.

 

Nous avons retenu l’image très poétique de la sirène donnée par le conte d’Andersen mais, dans le monde grec, les sirènes étaient des êtres malveillants qui attiraient les marins par leurs chants sublimes. Les bateaux se fracassaient sur les récifs et les hommes servaient de repas aux sirènes. Ulysse, connaissant le danger, se fait attacher au mat pour entendre tout de même ce magnifique chant tandis qu’il met de la cire dans les oreilles de ses marins afin qu’ils continuent à ramer sans se troubler.

 

En faisant le lien avec son histoire personnelle, Sylvie se sent dans la peau d’Ulysse. Les sirènes ce sont toutes ses angoisses liés à ce changement relayés par son entourage, ses propres scénarios catastrophes, les certitudes qu’il lui faut dépasser. Là aussi, elle constate que le bateau avancera quoi qu’il arrive et passera cette épreuve.

 

Pour employer un vocabulaire actuel, l’épisode du Cheval de Troie fait partie de la saison 1 de la série « L’Iliade et l’Odyssée », tandis que celui d’Ulysse et les sirènes fait partie de la saison 2. Ulysse y affrontera maints et maints dangers et nous n’allons pas en tenir compte dans l’histoire de Sylvie. De même, le Cheval de Troie fait partie de l’histoire d’Hélène qui va se terminer de façon dramatique à son retour (c’est une tragédie grecque !) mais cela n’a pas à avoir d’influence sur l’interprétation de Sylvie. On traite un instant du mythe, un instant qui correspond à celui de la consultante, qui est significatif pour elle. Dans l’avenir tout est possible et tout va s’agencer selon les dispositions qu’elle prendra dans l’instant présent. L’avenir proposé par le mythe n’existe pas pour Sylvie, seul est en formation celui qu’elle va tracer elle-même.

Un dernier mythe va lui donner toute la force nécessaire : Arjuna et Krishna :

 

Arjuna, jeune prince destitué par une autre partie de sa famille, tente de récupérer son trône. La lutte est totalement inégale, ils sont cinquante et en face ils sont des milliers. Que ce soit d’un côté comme de l’autre, ils sont tous de la même famille. Arjuna ne se sent pas la force de se battre, il veut renoncer.

 

Krishna, un avatar (un dieu qui s’est incarné) de Vishnou, le dieu de la conservation de la Trimurti (1) hindoue, vient à lui et l’enseigne : Cette bataille doit avoir lieu, c’est le Dharma. La notion de Dharma est inconnue en Occident, elle tient à la fois de la justice, du destin et de la volonté divine. Le Dharma c’est ce qui doit être pour que le monde puisse continuer à évoluer. La présence à la tête du pays d’un roi illégitime et corrompu bloque l’avancée du plan divin. Quel que soit le prix à payer, Arjuna doit reprendre son trône.

 

Au matin Arjuna monte sur son char avec Krishna et celui-ci lui propose de le conduire pendant qu’il se battra. Arjuna remet les rênes à Krishna.

L’image représente Krishna conduisant un char très lumineux tiré par quatre chevaux fougueux. Derrière lui Arjuna tire à l’arc. Le char traverse un océan de guerriers indifférenciés qui se battent sur toute la plaine.

 

En regardant cette image on ne peut que penser à la carte « Le chariot » du tarot de Marseille mais alors que dans le tarot les chevaux semblent partir dans des directions différentes, ici on sent la puissance de la volonté qui les unit dans un même dessein.

 

Dans le mythe hindou, et ce n’est pas qu’un détail, c’est Krishna (le divin) qui conduit. Arjuna qui se morfondait dans le doute et le manque de confiance s’en est totalement remis à lui. Arjuna n’est plus dans le mental, il est passé au niveau de conscience supérieur, il s’est connecté au Grand Tout. Quoi qu’il arrive le char parviendra à destination, il est soutenu et porté par une force supérieure.

 

Il est toujours étonnant de voir qu’au sein d’une même séance les mythes se répondent, se transforment et se combinent. Nous avions tout à l’heure un cheval en bois, un objet mythologique auxiliaire sans âme, un contenant qui permet à des énergies masculines de pénétrer dans les profondeurs de l’inconscient. Il se transforme au troisième mythe en quatre chevaux fougueux mais disciplinés qui portent le dieu et son apprenti vers la victoire.

 

De même, Ulysse, de personnage secondaire dans le premier mythe, devient le principal dans le second. C’est un Ulysse d’après la guerre de Troie qui apparaît, donc après le retour de la Belle Hélène dans son royaume terrestre, la chronologie est respectée.

 

Sylvie voit le char glissant sur un autre plan, intouchable. Pour elle, c’est une femme qui le conduit et nous retrouvons la Belle Hélène, la part divine féminine. Les chevaux sont maîtrisés, le char traverse les obstacles sans frémir. « La voie est juste, c’est la voie » me dit-elle.

 

Sylvie ressort de cette séance rassérénée, elle sait maintenant que son choix est le bon et que rien ne l’arrêtera. Elle ne peut que prendre sa place, toutes ses énergies intérieures l’y poussent, c’est le Dharma.

 

 Florence Fabrègue

1)      La Trimurti est la trinité hindoue. Elle est composée de Brahma, le dieu créateur, de Vishnou le dieu de la conservation, de Shiva le dieu de la destruction.

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