3 gardiens mythologiques du seuil

Au cours de notre cheminement nous rencontrons des épreuves devant lesquelles nous pouvons rester longtemps arrêté(e)s. La tradition les appelle des "seuils". Chaque seuil est un passage d'évolution. Ils sont difficiles à passer car il s'y trouve un "gardien" qui, par sa personnalité nous renseigne sur le pas important que nous devons faire. Voici, parmi d'autres, trois gardiens mythologiques du seuil.

Le seuil de PANDORE

Avant de parler de Pandore, il faudrait parler de Prométhée, le titan qui a volé le feu de la connaissance divine pour le donner aux hommes. Pour se venger, Zeus commande à Héphaïstos la création d’un être d’une beauté parfaite : une femme, la première femme, à laquelle ils donnent le nom de Pandore ("qui a tous les dons". En effet, chaque dieu lui donne un don). A cette perfection ils rajoutent le mensonge et la curiosité, histoire de déséquilibrer l’équation… Ils lui donnent une jarre – qu’elle ne devrait jamais ouvrir… Hermès amène la belle à Epiméthée, le frère de Prométhée, et celui-ci l’épouse.

 

Vous imaginez la suite. Incapable de se retenir, Pandore soulève le couvercle et tous les maux se répandent dans l’humanité (vieillesse, maladie, famine, folie, tromperie, guerre, vice, passion, misère et la petite dernière, l’espérance, qui avait très mauvaise presse chez les grecs : espérer c’est ne pas réagir au présent).

Chez les grecs aussi, la femme portait la culpabilité du péché originel.

 

Les mythes seraient-ils machistes ? Pour mieux comprendre, référons-nous à un film qui fait largement référence à la mythologie : Matrix. D'un côté l'Architecte (masculin) et de l'autre l'Oracle (féminin). L'Architecte planifie, organise froidement et logiquement la création tandis que l'Oracle veille sur elle et apporte le déséquilibre nécessaire à la Vie.

 

Dans un monde parfait : pas d'évolution, dans un monde déséquilibré : tout peut se développer afin de tenter de retrouver l'équilibre. Merci donc à la femme..

 

Le temps a passé depuis la création des hommes et cela fait bien longtemps que tous les maux se sont répandus sur notre terre. Il n’y a donc plus rien à faire ? Heureusement, Pandore a évolué...

Cette boite terrible qu’elle ouvre maintenant c’est notre inconscient.

C'est lui qui contient toutes les traces de mémoires laissés par ces maux –autant en tant que victime qu’en tant que bourreau -  au cours de nos multiples réincarnations. Ces mémoires qui alourdissent aussi nos lignées paternelles et maternelles. Ces souffrances empilées siècles après siècles par toute l’humanité, ce poids qui nous englue et nous retient au sol.

 

Tel est le seuil de Pandore : si l’on retient quoi que ce soit, on s’immobilise. Tout comme le prisonnier et son gardien, ni l’un ni l’autre ne sont libres.

 

L’ouverture de la boite de Pandore, avec ses remontées et ses libérations de mémoires peut amener un peu de désordre dans la vie, mais heureusement, il y a de nombreux et de nombreuses Pandore de nos jours pour nous accompagner : ce sont les thérapeutes..

 



Le seuil de GILGAMESH

Gilgamesh est Le roi tyrannique de la cité d’Uruk en Mésopotamie. Pour le canaliser, les dieux lui « offrent » un ami en la personne d’Enkidu, un homme sauvage, couvert de poils, aussi fort et aussi puissant que lui. Une prostituée, belle intelligente et raffinée, est dépêchée vers Enkidu pour le civiliser. Lorsque c’est chose faite, il est présenté à Gilgamesh. Les deux hommes se battent pendant des heures mais, tel Jacob qui combat avec l’ange, ni l’un ni l’autre n’est vainqueur.

 

Gilgamesh trouve en Enkidu son semblable, son double, l’autre partie de lui-même : sa part animale, instinctive. Ensemble ils iront combattre géants et monstres jusqu’à la mort subite d’Enkidu.  Traumatisé, Gilgamesh part à  la quête du secret de l’immortalité.

 

Il reviendra bredouille après avoir rencontré Utnapishtim, le Noé mésopotamien. Celui-ci lui révèle que s’il parvient à rester éveillé pendant 6 jours et 6 nuits, il obtiendra ce qu’il cherche. Gilgamesh s’endort trop tôt.

 

Sur le chemin du retour, il trouve une plante qui redonne la jeunesse mais le serpent lui dérobe aussitôt.

Malgré cet échec, il a grandi grâce à Enkidu puis pendant ce voyage initiatique. Il administrera désormais sa cité avec sagesse et bienveillance.

Nous voici donc devant une partie de nous-même à « civiliser » avant de l’intégrer : notre part primitive, instinctive, notre côté sauvage, libre. Il ne s’agit pas de la museler pour en faire un animal domestique propret, mais juste de la rendre « compatible ». C’est cette force sauvage et primitive qui rend Enkidu valeureux et fort et permet au duo de vaincre les ennemis extérieurs.

 

Tout comme Gilgamesh se met à contrôler sa tendance à la tyrannie, Enkidu utilise sa force, son instinct à bon escient, il l’ordonne (il permet à sa raison de le diriger, il lui donne sa juste place).

 

Cette mise à niveau faite, la part Enkidu n’a plus besoin d’être présente à l’extérieur de l’être, elle est directement intégrée à Gilgamesh. Cependant Gilgamesh ressent un vide : à l’inverse, il peut maintenant partir en quête de sa part spirituelle (qui est immortelle).

 

Il apprend que l’immortalité n’est pas un choix que peut faire l’humain – ce sont les dieux qui la décrètent – et que la spiritualité véritable de l’homme ne peut être qu’intégrée : à son retour  à Uruk, il est un homme total, sa part instinctive soutient ses actions et sa part spirituelle lui donne la grâce, l’intuition et la sagesse. Il obtient alors ce qu’il cherchait, « l’immortalité » car son règne restera dans les mémoires et 3650 ans plus tard, on en parle encore...


Le seuil du TEMPLE

Le temple grec n’est pas à proprement parlé un mythe mais c’est un lieu archétypal de mémoire qui renferme la trace d’une forme ancienne de foi.

 

Un temple est un lieu spirituel, c’est-à-dire qu’il doit être construit de façon à ce que le lien, le contact avec la divinité puisse se faire mieux qu’ailleurs. Ce doit être un modèle de la relation avec la divinité, quelle qu’elle soit.

 

Or, quand on parle temple, on pense tout de suite à un temple grec. Le sol est présent bien que disjoint, les colonnes sont encore partiellement debout mais point de toit.

A quoi sert un toit ? à rendre cohérent l’ensemble de la construction, à créer un contenant, un abri.

 

Faudrait-il s’abriter lorsque l’on veut entrer en contact avec la divinité ? Oui et non, voyons le mythe de Zeus et Sémélé.

 

Sémélé est une des nombreuses maîtresses de Zeus. Poussée par Héra (la femme légitime de Zeus) qui prend les traits de sa nourrice, Sémélé demande à Zeus de se montrer à elle dans toute sa splendeur. Zeus ayant promis d’accéder à se demande quelle qu’elle soit, s’exécute. La lumière extraordinaire dégagée par le dieu tue aussitôt Sémélé : L’énergie divine doit être filtrée pour être assimilable par de simples humains.

 

Le toit d’un temple forme une sorte d’écran avec l’énergie du Ciel. Il reçoit et répartit son énergie sur toute sa surface puis la laisse descendre par les colonnes afin de se répandre dans le sol et ensemencer la terre jusqu’à son centre. Le Ciel épouse la Terre.

 

Dans un temple, le croyant se trouve environné d’énergie divine mais le circuit toit, colonnes, sol, terre conduit et répartit sa puissance. Il ne peut y avoir de surchauffe. De plus, le corps pourra servir de récepteur de l’énergie du Ciel seulement dans la mesure où il est bien nettoyé et ancré à la Terre. (1)

 

Dernière fonction du toit : créer un contenant c’est-à-dire un lieu en nous-même vers lequel nous pouvons diriger notre attention et nous connecter rapidement au grand Tout et y faire vivre notre lien avec le divin.

Comment est votre temple ? (2)

Florence Fabrègue

 

1) Petite parenthèse : les chamans, qui ne travaillent qu’avec  l’énergie de la Terre peuvent réaliser leurs rituels à ciel ouvert ou dans les entrailles de la terre.

2) Une petite visualisation pourrait vous renseigner et vous permettre d'installer votre temple.


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